Le Faubourg Saint-Germain, au début du XIXe siècle, désigne moins un quartier de Paris que les grandes familles de la noblesse française de l’Ancien Régime, lesquelles détiennent majoritairement les vastes et luxueux hôtels particuliers qu’on peut aujourd’hui encore admirer entre l’église Saint-Germain-des-Prés et le Champ de Mars. À en croire les romanciers, les jeunes gens ambitieux comme les personnes récemment enrichies rêvent tous d’être admis dans ce milieu auréolé d’un passé glorieux, et qui détient encore de nombreux leviers du pouvoir. Si l’aristocratie reçoit volontiers les artistes dans ses salons, elle reste fermée aux nouveaux riches.
« Madame de Sommervieux ne connaissait pas encore les antiques et somptueux hôtels du faubourg Saint-Germain. Quand elle parcourut ces vestibules majestueux, ces escaliers grandioses, ces salons immenses ornés de fleurs malgré les rigueurs de l’hiver, et décorés avec ce goût particulier aux femmes qui sont nées dans l’opulence ou avec les habitudes distinguées de l’aristocratie, Augustine eut un affreux serrement de cœur. Elle envia les secrets de cette élégance de laquelle elle n’avait jamais eu l’idée. Elle respira un air de grandeur qui lui expliqua l’attrait de cette maison pour son mari. Quand elle parvint aux petits appartements de la duchesse, elle éprouva de la jalousie et une sorte de désespoir, en y admirant la voluptueuse disposition des meubles, des draperies et des étoffes tendues. Là le désordre était une grâce, là le luxe affectait une espèce de dédain pour la richesse. Les parfums répandus dans cette douce atmosphère flattaient l’odorat sans l’offenser. Les accessoires de l’appartement s’harmoniaient avec une vue ménagée par des glaces sans tain sur les pelouses d’un jardin planté d’arbres verts. Tout était séduction, et le calcul ne s’y sentait point. »
Balzac, La Maison du chat qui pelote, 1830
Monnier note avec soin les caractéristiques sociales des habitants du faubourg Saint-Germain. L’aristocratie fière de son histoire conserve ses fauteuils d’époque Louis XV, arbore les tenues de l’Ancien Régime comme la culotte nouée sous le genou au-dessus de bas clairs pour les hommes, ou la robe longue pour les femmes qui conservent leur chapeau. Traditionnellement proche de l’Église, ce milieu fait bon accueil au clergé. Les enfants ne sont pas admis dans ces salons mais on y tolère une élégante levrette, allongée avec distinction sur son petit coussin.
Le règne de Napoléon voit s’édifier des fortunes colossales, et la création d’une nouvelle noblesse dite d’Empire. Ces nouveaux comtes et ducs vont s’efforcer de légitimer leurs nouveaux titres, et ils achètent à grands frais des hôtels dans le faubourg Saint-Germain pour mieux côtoyer l’aristocratie de l’Ancien Régime. L’hôtel de Beauharnais construit au début du XVIIIe siècle est ainsi racheté par le prince Eugène de Beauharnais qui le modernise pour en faire un des plus beaux exemples du style Directoire.