Depuis la destruction en 1670 de la vieille enceinte de Louis XIII, Paris était restée sans protection militaire. Plusieurs projets de défense sont régulièrement lancés sans jamais voir le jour. Adolphe Thiers, président du conseil, fait voter en 1840 la construction d’une enceinte fortifiée composée d’un mur continu renforcé par seize forts détachés. Rapidement rendues inutiles par les progrès de l’artillerie, ces fortifications sont détruites après la première guerre mondiale. Comment retrouver aujourd’hui leur tracé ? Il suffit de longer l’intérieur du boulevard périphérique ! La conséquence la plus importante de cette coûteuse construction a été en 1860 l’agrandissement administratif de Paris, étendu jusqu’à cette enceinte, et qui trouve alors ses limites actuelles en englobant les villages voisins comme Montmartre, Vaugirard, Belleville ou Passy.
Un projet d’enceinte présenté aux députés en 1833 avait soulevé les protestations de l’opposition, soupçonnant le régime de vouloir protéger le roi non pas d’éventuels envahisseurs mais plutôt des Parisiens, s’ils venaient à se révolter. Les caricatures montrent donc des canons braqués sur la ville et non sur la campagne. La poire dessinée par Daumier symbolise le roi des Français Louis-Philippe, également reconnaissable à son parapluie et à la cocarde tricolore accrochée à son chapeau : la caricature met en doute la capacité du roi à obtenir la construction des forts détachés.
La bande de terre devant les fortifications, sur 250 m, n’était pas constructible pour faciliter la défense. Lorsque le rôle militaire de l’enceinte est supprimé, et avant même la destruction des bastions et glacis, ces terrains qu’on appelle « la zone » sont envahis par des bidonvilles dont les habitants sont qualifiés de « zonards ».
Balzac s’est montré sensible à l’importance des travaux et à la rapidité de leur conduite. Il raconte à sa maîtresse polonaise qu’il a mené une amie commune voir ces fortifications alors qu’elles étaient tout juste achevées.
« Je l’ai menée hier se promener jusqu’aux fortifications, elle est restée frappée comme de stupeur en voyant là 88 verstes [unité de mesure russe, valant environ 1 km] de fossés de fronts, de glacis, de remparts et de contrescarpes, une muraille de 40 pieds de hauteur [environ 13m] bâtie comme d’un seul bloc, et deux routes superbes, plantées d’arbres, en dedans et en dehors des fortifications. C’est poli comme un miroir, les pierres sont comme serties dans le ciment romain. Elle ne voulait pas croire que j’eusse vu commencer ces travaux-là. »
Lettre de Balzac à Madame Hanska, 17 juin 1844