Talma occupe une place exceptionnelle parmi les acteurs de la Comédie-Française. Il a su traverser les régimes, de la Monarchie à l’Empire et à la Restauration, en passant par la Révolution. Abandonnant très vite le métier de dentiste auquel son père le destine, il débute à la Comédie-Française en 1787, avec Séide dans Mahomet de Voltaire et en devient sociétaire en 1789, avec le rôle de Charles IX de Marie-Joseph Chénier qui le consacre. Il participe aux scissions du monde du théâtre et le bouscule, lorsqu’en 1790, jouant Proculus dans le Brutus de Voltaire, il délaisse la perruque pour se vêtir d’une véritable toge romaine dessinée par son ami David. Le drapé, les lignes et le mouvement des habits antiques deviennent la signature des rôles tragiques incarnés par Talma. Acteur engagé, il ne se contente pas d’endosser des rôles mais entend donner à la tragédie un sens de drame historique et politique. Fidèle et intime de Bonaparte, il s’en fait le porte-parole. Aux échecs de 1804 succèdent les réussites. À sa demande, des auteurs comme Ducis, Lemercier, Arnault lui écrivent sur mesure des rôles de fous, de visionnaires et de mélancoliques shakespeariens, annonçant le théâtre romantique. En trente-huit ans de carrière, Talma aura créé soixante-dix rôles.
« Le Théâtre-Français, le Vaudeville, les Variétés, l’Opéra-Comique, où il allait au parterre, lui enlevèrent une soixantaine de francs. Quel étudiant pouvait résister au bonheur de voir Talmadans les rôles qu’il a illustrés? Le théâtre, ce premier amour de tous les esprits poétiques, fascina Lucien. Les acteurs et les actrices lui semblaient des personnages imposants; il ne croyait pas à la possibilité de franchir la rampe et de les voir familièrement. »
Honoré de Balzac, Illusions perdues, 1843