En 1839, l’Académie des Sciences enregistre un procédé photographique mis au point par Louis Daguerre, décorateur de théâtre ; il devient pour la première fois possible d’obtenir une reproduction directe et précise de la réalité.
Si les premiers essais s’en tiennent à des natures mortes, en raison de la longueur du temps de pose, on passe très vite au portrait. Des ateliers spécialisés fleurissent dans Paris, et celui des frères Bisson accueille de nombreuses personnalités : on lui doit le seul portrait photographique connu de Balzac, réalisé en mai 1842.
La découverte de la photographie laisse d’abord Balzac sceptique. Nadar relate une discussion avec l’écrivain sur ce sujet:
« Donc, selon Balzac, chaque corps dans la nature se trouve composé de séries de spectres, en couches superposées à l’infini, foliacées en pellicules infinitésimales, dans tous les sens où l’optique perçoit ce corps.
L’homme à jamais ne pouvant créer –c’est à dire d’une apparition, de l’impalpable, constituer une chose solide, ou de rienfaire une chose–, chaque opération Daguerrienne venait donc surprendre, détachait, et retenait en se l’appliquant une des couches du corps objecté.
De là pour ledit corps, et à chaque opération renouvelée, perte évidente d’un de ses spectres, c’est à dire d’une part de son essence constitutive. »
Nadar, Quand j’étais photographe, 1899.
Finalement la curiosité l’emporte : Balzac se rend deux fois chez le daguerréotypeur et relate à Madame Hanska sa fascination pour ce nouveau procédé :
« Si vous voulez avoir le portrait de votre serviteur au daguerréotype, vous n’avez qu’à dire un mot, vous le recevrez dans une lettre à Petersburg. Je reviens de chez le daguerréotypeur, et je suis ébaubi de la perfection avec laquelle agit la lumière. Vous souvenez-vous qu’en 1835, 5 ans avant cette invention, je publiai à la fin de Louis Lambert, dans ses dernières pensées, les phrases qui la contiennent ? Geoffroy-Saint-Hilaire l’avait aussi pressenti. Ce qui est admirable, c’est la vérité, la précision ! ».
