Au XIXème siècle, la littérature côtoie de près le monde du journal : la presse est essentiellement rédigée par des écrivains, par exemple Théophile Gautier, critique d’art réputé. Des romans, des pièces de théâtre ou des poésies, peuvent être publiés dans la presse avant d’être édités, ce qui permet à l’auteur de vendre son œuvre deux fois.
Balzac fut lui-même un acteur de la presse : collaborateur de journaux littéraires, rédacteur en chef, propriétaire de la Chronique de Paris, il est aussi le premier écrivain de roman-feuilleton. Souvent malmené lors de ces expériences, Balzac y puisera son inspiration, notamment pour les Illusions perduesqui fait de la presse un thème central. L’auteur se livre à une critique sévère des journalistes, qu’il présente corrompus et superficiels.
« – Blondet a raison, dit Claude Vignon. Le journal au lieu d’être un sacerdoce est devenu un moyen pour les parties ; de moyen il s’est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l’on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S’il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n’est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous journaux seront dans un temps donné, lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. »
Honoré de Balzac, Illusions perdues, 1836
La critique engendre la critique, et les Illusions perduessont éreintées par la presse. Dans Le Corsaire, journal des spectacles de la littérature, des arts et des modes, un journaliste présente ce roman comme un « livre dégoûtant et cynique, tout simplement une vengeance de M. Balzac contre la presse. »
Balzac ne cessa de dénoncer la toute puissance des journalistes, leur goût pour la manipulation, et la versatilité de leur jugement, concluant en 1842 dans son pamphlet Monographie de la presse parisienne : « Si la presse n’existait pas, il faudrait ne pas l’inventer. »