Les rues de Paris sont au XIXe siècle caractérisées par des sons, des odeurs et une animation que l’on ne soupçonne plus. Nombre de petits métiers s’exercent dans la rue où l’on croise l’allumeur de réverbères, le chiffonnier ou le marchand de coco (une boisson fraîche composée d’eau, de jus de réglisse et de citron). Ces présences familières retiennent l’attention des écrivains comme des dessinateurs qui ont laissé des souvenirs amusés de ces figures pittoresques.
« En 1813 et 1814, époque à laquelle tant de géants allaient par les rues, où tant de gigantesques choses s’y coudoyaient, on pouvait remarquer bien des métiers totalement inconnus aujourd’hui.
Dans quelques années, l’allumeur de réverbères, qui dormait pendant le jour, famille sans autre domicile que le magasin de l’entrepreneur, et qui marchait occupée tout entière, la femme à nettoyer les vitres, l’homme à mettre de l’huile, les enfants à frotter les réflecteurs avec de mauvais linges ; qui passait le jour à préparer la nuit, qui passait la nuit à éteindre et rallumer le jour selon les fantaisies de la lune, cette famille vêtue d’huile sera entièrement perdue. La ravaudeuse, logée, comme Diogène, dans un tonneau surmonté d’une niche à statue fait avec des cerceaux et de la toile cirée, est encore une curiosité disparue. Il faut faire une battue dans Paris, comme en fait un chasseur dans les plaines environnantes pour y trouver un gibier quelconque, et passer plusieurs jours avant d’apercevoir une de ces fragiles boutiques, autrefois comptées par milliers, et composées d’une table, d’une chaise, d’un gueux pour se chauffer, d’un fourneau de terre pour toute cuisine, d’un paravent pour devanture, pour toiture d’une toile rouge accrochée à quelque muraille, d’où pendaient de droite et de gauche deux tapisseries, et qui montraient aux passants soit une vendeuse de mou de veau, d’issues, de menues herbes, soit un rapetasseur, soit une marchande de petite marée. »
Balzac, Ce qui disparaît de Paris, in Le Diable à Paris, …1845