Le service des coucous

La passion du Parisien pour la campagne est telle, que le moindre rayon de soleil un jour férié forme prétexte à quitter la ville. Les proches environs de Paris sont encore très champêtres au début du XIXe siècle, la Seine reste un fleuve sauvage où l’on se baigne, et où s’abreuvent vaches et moutons. Pour s’éloigner des faubourgs, les Parisiens utilisent des voitures à un ou deux chevaux, sorte de taxis de banlieue, qui leur permettent de se rendre jusqu’à Versailles, Montmorency ou Longjumeau, et surnommés « coucous » en raison de leur couleur jaune. Rattaché dans les mémoires aux jours de détente, le coucou reste apprécié malgré son inconfort et sa lenteur, et sa disparition suscite chez les écrivains des évocations souvent nostalgiques.

Jean-Victor Adam, dit Victor Adam (1801-1866), d’après Carle Vernet (1758-1836). « Route de Saint-Cloud – coucou, 1813 ». Estampe. (Paris, musée Carnavalet, inv. PC 66-2)

« COUCOU dans le langage familier, se dit de Petites voitures à quatre ou six places, qui parcourent les environs de Paris. Aller en coucou. On est fort cahoté dans les coucous. »

Dictionnaire de l’Académie française, 6èmeédition, 1832-1835

La gravure figure un coucou, cette voiture tirée par un cheval qui desservait encore en 1840 les communes voisines de Paris. La place « en lapin » désigne celle à côté du conducteur. Revenir de banlieue lors des beaux jours ne présentait rien de simple car les coucous, comme les taxis aujourd’hui, étaient trop peu nombreux. Ce n’est donc pas pour obtenir des places –ce coucou est visiblement surchargé– que le baigneur apostrophe le conducteur, mais pour choquer les voyageurs en leur apparaissant presque nu.

Gravure Daumier UNE FACÉTIE. Cocher ! cocher ! avez-vous deux places en lapins ? Le Charivari30-31 juillet 1842. (Paris, maison de Balzac, inv. BAL02.259)

« Les chemins de fer, dans un avenir aujourd’hui peu éloigné, doivent faire disparaître certaines industries, en modifier quelques autres, et surtout celles qui concernent les différents modes de transport en usage pour les environs de Paris. […] Ainsi les pittoresques coucousqui stationnaient sur la place de la Concorde en encombrant le Cours-la-Reine, les coucous si florissants pendant un siècle, si nombreux encore en 1830, n’existent plus ; et, par la plus attrayante solennité champêtre, à peine en aperçoit-on un sur la route en 1842. En 1842, les lieux célèbres par leurs sites et nommés Environs de Paris, ne possédaient pas tous un service de messageries régulier. […]Pour les moindres localités des environs de Paris, il s’élevait alors des entreprises de voitures belles, rapides et commodes, partant de Paris et y revenant à heures fixes, qui, sur tous les points, et dans un rayon de dix lieues, produisirent une concurrence acharnée. Battu pour le voyage de quatre à six lieues, le coucouse rabattit sur les petites distances, et vécut encore pendant quelques années. Enfin, il succomba dès que les omnibus eurent démontré la possibilité de faire tenir dix-huit personnes sur une voiture traînée par deux chevaux. »

Balzac, Un début dans la vie, 1842

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