L’octroi

Quelques années avant la Révolution française, on construit autour de Paris un mur d’enceinte non pour protéger la ville, mais pour contrôler toutes les marchandises qui y entrent: appelé « mur des fermiers généraux » (le nom des collecteurs de cette taxe), ce mur est percé d’ouvertures, les « barrières », marquées par des bâtiments à l’architecture très novatrice. Très impopulaire puisqu’il semble mettre les Parisiens en prison et qu’il est associé à un impôt, ce mur reste néanmoins utilisé jusqu’à 1860, il est alors remplacé par les fortifications.

L’octroi, la taxe sur les marchandises, n’est en revanche supprimé définitivement qu’en 1943. Il subsiste de cette enceinte quatre bâtiments, dont les colonnes de la barrière du Trône ou la rotonde de La Villette. L’octroi a favorisé la multiplication des « guinguettes », ces petits restaurants entourant Paris où l’on vendait le vin bien meilleur marché, puisqu’il échappait à l’impôt : tout est en effet moins cher hors des murs.

Barrière de Montmartre, place Pigalle. Paris (IXème arr.). Photographie d’Edmond de Labrador. Tirage argentique. Tirage moderne. 1850. Paris, musée Carnavalet.

« L’octroi est un monstre qui suce le peuple ; il n’est qu’un moyen de lui échapper, c’est de faire fortune, car l’octroi aime les riches ; il ne prend ni leurs laquais, ni leurs chiens, ni leurs carrosses, mais il se jette sur les misérables ; leur nourriture, leurs boissons, leurs paille, le poussier [poussière de charbon de mauvaise qualité] qui les chauffe en hiver, à défaut de bois ; tout est sa proie, tout lui paye un tribut. »

Texte publié dans La Caricature, 13 septembre 1832

Jean Ignace Isidore Gérard, dit J.J. Grandville (1803-1847). « Cabinet d’histoire naturelle ». Lithographie, 1833. Paris, Maison de Balzac.
Jean Ignace Isidore Gérard Grandville (1803-1847). Caricature de presse. « Le peuple livré aux impôts dans la grande fosse du budjet ». Planche parue dans « La Caricature » du 20 juin 1833. Lithographie. Paris, Maison de Balzac.

L’octroi est un impôt qui s’ajoute à beaucoup d’autres, et son impopularité est d’autant plus grande qu’il s’applique aux produits de première nécessité comme le vin, le tabac, le charbon ou la farine. Grandville, dessinateur farouchement hostile au pouvoir, a proposé plusieurs représentations de cet impôt sous des formes fantastiques. Qu’il soit qualifié d’« impôt suceur » ou de « sèche-peuple », l’octroi est toujours figuré comme un monstre avide de dévorer les petites gens.

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