« Comme on s’encombre en voyage ! Il n’est pas dans la bonne harmonie des choses que je possède un carton à chapeaux, un secrétaire, une trousse de toilette, une malle, une valise et un valet qui me suivent toujours. […] Mais qu’aurait dit Thoreau de mon carton à chapeaux ! Ou Emerson, de la taille de ma malle, qui est gigantesque ! Pourtant je ne peux voyager sans Balzac ni Gautier et ils tiennent tant de place ! »
Oscar Wilde, lettre à Julia Ward Howe, 6 juillet 1882
Il n’a pas fallu attendre la fin du 19ème siècle et l’extravagant Oscar Wilde pour trouver des admirateurs inconditionnels de Balzac. Dès leur première parution, ses romans ont suscité de vives réactions, et les courriers de lecteurs et lectrices affluent à la rédaction des journaux qui les éditent. Sitôt après le décès de l’écrivain, ce fut la jeune génération d’hommes de plume qui puisa aux sources de l’œuvre du maître pour renouveler la littérature.
Le temps était au réalisme et Balzac faisait office de précurseur. Avec sa capacité à décrire l’homme, le type social dans toute sa réalité, laid et grotesque mais foncièrement vrai, il influença des auteurs de toute l’Europe. Dostoïewski , Maupassant, Alphonse Daudet, ne cessèrent d’écrire dans la ligne du roman social balzacien.
Mais celui que l’on qualifie le plus souvent d’héritier de Balzac est Émile Zola.
« La véritable gloire de Balzac est […] dans la profonde humanité de sa création. D’autres écrivains, chez nous, ont pu écrire avec plus de correction et d’éclat, apporter un génie mieux équilibré ; mais personne n’a fouillé l’humanité plus au fond et n’en a dit davantage sur l’homme. Imaginez un chimiste qui, tous les matins, se renferme dans son laboratoire et qui y multiplie les expériences ; ce chimiste découvre à chaque heure des vérités nouvelles et les note, au milieu de la fièvre du travail. Peut-être l’ordre manquera-t-il mais il y aura là des matériaux d’un prix inestimable. Le savant qui aura, le premier, dégrossi la besogne, gardera l’éternel honneur d’avoir fondé une science. Eh bien ! Balzac est ce chimiste du cœur et du cerveau humains, il a fondé une littérature. »
Émile Zola, Balzac, article du Figaro, 11 avril 1880.
Zola raconte à travers un cycle romanesque, Les Rougon-Macquart,de multiples vies dont certaines se croisent et se recroisent. Il mêle à ses récits les apports scientifiques de son temps, les changements de la vie quotidienne, paysanne comme urbaine, cherchant à chaque fois à représenter la vérité de son époque. Tout comme Balzac, le réalisme de ses romans tient beaucoup au soin apporté à la description du milieu et à son influence sur des personnages. Mais si Zola pousse l’exercice jusqu’au systématisme, Balzac, avant lui, avait laissé La Comédie Humainese former peu à peu comme une œuvre de la nature ; simple observateur, il dépeignait le médiocre et le moyen avec délectation, choisissant de ne pas juger ni de teinter de morale ses récits saisis sur le vif.