Avec plusieurs centaines de sympathisants parmi les médecins travaillant dans les asiles et les prisons, la phrénologie connait un fort engouement dans la première moitié du 19èmesiècle. Cette théorie, basée sur l’observation, est développée en France par le docteur Gall. Elle consiste à palper, mesurer et collecter les moulages de crânes d’individus présentant des conformations particulières afin de déterminer des types : le criminel, le génie, le pervers, le fou… L’appartenance d’un individu à un groupe s’identifierait par une bosse ou un creux plus ou moins prononcé sur sa boite crânienne. L’époque est au systématisme, on collectionne et répertorie pour mieux appréhender le monde, on classe les êtres et les choses pour les comprendre et les contrôler.
« Ce n’est pas aujourd’hui seulement que l’on pense à introduire la phrénologie comme moyen d’étude sur les criminels. Plusieurs jurisconsultes des plus distingués, sans adopter entièrement les idées trop radicales émises à ce sujet, y ont reconnu un fond de justesse et de vérité qui suffirait à lui seul pour déterminer des recherches plus étendues et plus raisonnées. L’examen du cerveau chez les coupables, depuis l’assassin jusqu’au voleur le moins marquant, finirait peut-être par prouver qu’il existait chez ces hommes une tendance anticipée vers tel ou tel crime, résultat qui apporterait infailliblement des restrictions à la sévérité des lois. »
B. Appert, Bagnes, prisons et criminels, tome IV, 1836.
Si cette pseudo science perd sa popularité au milieu du siècle, elle marque durablement les esprits, notamment ceux des romanciers. Balzac reprend à son compte les longues descriptions de traits phrénologiques pour les associer aux traits de caractères de ces personnages.
« Mlle Michonneau entra doucement, salua les convives sans rien dire, et s’alla placer près des trois femmes.
Elle me fait toujours grelotter, cette vieille chauve-souris, dit à voix basse Bianchon à Vautrin en montrant Mlle Michonneau. Moi qui étudie le système de Gall, je lui trouve les bosses de Judas.
–Monsieur l’a connu ? dit Vautrin.
–Qui ne l’a pas rencontré ! répondit Bianchon. »
Honoré de Balzac, Le Père Goriot, 1835