Lumières d’intérieur, éclairage public

Venu de Londres, l’éclairage public au gaz est une petite révolution dans le Paris du début du 19èmesiècle. Éblouissant, malodorant, il est d’abord peu aimé bien que le progrès d’une telle invention soit indéniable. Il faut dire les quinquets à huile étaient, pour les quelques 150 allumeurs de réverbères, l’occasion d’avoir un emploi qui demandait dextérité et savoir-faire. Lorsque la décision est prise de faire venir le gaz par les rues, leur métier change, ils deviennent allumeur de gaz.  Le geste est plus simple, mécanique. Ils y perdent en expertise, mais les rues du Paris nocturne y gagnent en sécurité. 

« Ces rues étroites, sombres et boueuses [… ], prennent à la nuit une physionomie mystérieuse et pleine de contrastes. En venant des endroits lumineux de la rue Saint-Honoré, de la rue Neuve-des-Petits-Champs et de la rue de Richelieu, où se presse une foule incessante, où reluisent les chef-d’œuvre de l’Industrie, de la Mode et des Arts, tout homme à qui le Paris du soir est inconnu serait saisi d’une terreur triste en tombant dans le lacis de petites rues qui cercle cette lueur reflétée jusque dans le ciel. Une ombre épaisse succède à des torrents de gaz. De loin en loin, un pâle réverbère jette sa lueur incertaine et fumeuse qui n’éclaire plus certaines impasses noires. »

Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1838.

Dans les intérieurs domestiques, les sources d’éclairage sont plus diverses. Pour les foyers les plus cossus, on emploie les bougies de cire posées dans de riches chandeliers et lustres.  Leur belle lumière blanche fait resplendir les miroirs et les ors des salons bourgeois. Mais la cire coûte une fortune. Bien souvent, les logis pauvres ne disposent que de chandelles de suif. Celles-ci éclairent mal et dégagent une odeur désagréable. Un peu plus efficace, la lampe à huile est elle aussi toxique, puisqu’on y brûle les mélanges les plus douteux : colza, noix, chènevis, œillette qui donnent souvent des irritations et des maux de tête.

« Devant la table, un vulgaire fauteuil de bureau en basane rouge blanchie par l’usage, puis six mauvaises chaises complétaient l’ameublement. Sur la cheminée, Lucien aperçut un vieux flambeau de bouillotte à garde-vue, muni de quatre bougies. Quand Lucien demanda la raison des bougies en reconnaissant en toutes choses les symptômes d’une âpre misère, d’Arthez lui répondit qu’il lui était impossible de supporter l’odeur de la chandelle. Cette circonstance indiquait une grande délicatesse de sens, l’indice d’une exquise sensibilité. »

Honoré de Balzac, Illusions Perdues, 1837.

Dans les années 1850, la lampe à pétrole connaît un succès fulgurant et le gaz grimpe progressivement dans les immeubles « à tous les étages ». La fée électricité, elle, ne viendra éclairer les foyers qu’au tout début du 20èmesiècle.

Nettoyage des réverbères à Paris. Lithographie humoristique de C.J. Traviès (1804-1859). (Paris, musée Carnavalet, inv. G33383).
Honoré Daumier (1808-1879). « Y n’y a rien comm’ ça pour le rhume de cerveau, ça vaut de l’Or !!!…… ». Lithographie, 1838. (Paris, Maison de Balzac, inv.BAL2002.161).
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