Un monde sans internet, sans satellite, sans téléphone portable, le 19èmesiècle est pourtant déjà connecté. Les nouvelles circulent et les gens échangent malgré les kilomètres qui les séparent.
Il y a d’abord la correspondance. Les français écrivent beaucoup et leurs lettres traversent allégrement les distances et les frontières avec l’aide de la malle-poste créée peu après la Révolution. Cette voiture rapide, tirée par des chevaux, est en charge du transport des dépêches et du courrier. Les lettres arrivent dans les quelques 1300 relais dont dispose le pays. En 1830, les campagnes accèdent même au service rural, un facteur apporte le courrier tous les deux jours. Mais sur les enveloppes, point de timbre ! Celui-ci qui vient d’Angleterre n’apparait en France qu’en 1849 et n’est pas à l’effigie de Marianne mais de Cérès, la déesse des moissons, pays rural oblige.
Le progrès va bon train, les frères Chappe inventent le télégraphe optique en 1794. Une nouvelle ne met plus que neuf minutes pour être transmise de Paris à Lille grâce aux tours à signaux que décrit superbement Alexandre Dumas.
Les inventions se succèdent jusqu’à la télégraphie électrique. Au milieu du 19ème siècle, l’américain Samuel Morse fait installer les premières lignes de câbles transfrontalières. Le succès est immédiat et les réseaux se développent. L’année de la mort de Balzac, le télégraphe devient public et les Français adoptent l’ancêtre du texto : le télégramme.
« J’ai vu parfois au bout d’un chemin, sur un tertre, par un beau soleil, se lever ces bras noirs et pliants pareils aux pattes d’un immense coléoptère, et jamais ce ne fut sans émotion, je vous jure, car je pensais que ces signes bizarres tendant l’air avec précision et portant à trois cents lieues la volonté Inconnue d’un homme assis devant une table, à un autre homme assis à l’extrémité de la ligne devant une autre table, se dessinaient sur le gris du nuage ou sur l’azur du ciel, par la seule force du vouloir de ce chef tout-puissant : je croyais alors aux génies, aux sylphes, aux gnomes aux pouvoirs occultes enfin, et je riais. Or, jamais l’envie ne m’était venue de voir de près ces gros Insectes au ventre blanc, aux pattes noires et maigres, car je craignais de trouver sous leurs ailes de pierre le petit génie humain, bien gourmé, bien pédant bien bourré de science, de cabale ou de sorcellerie. Mais voilà qu’un beau matin J’ai appris que le moteur de chaque télégraphe était un pauvre diable d’employé à douze cents francs par an, occupé tout le jour à regarder, non pas le ciel comme l’astronome, non pas l’eau comme le pécheur, non pas le paysage comme un cerveau vide, mais bien l’insecte au ventre blanc, aux pattes noires, son correspondant, placé à quelque quatre ou cinq lieues de lui. Alors je me suis senti pris d’un désir curieux de voir de près cette chrysalide vivante et d’assister à la comédie que du tond de sa coque elle donne à cette autre chrysalide, en tirant les uns après les autres quelques bouts de ficelle. »
Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1846.