Les célibataires

Au XIXe siècle, le célibat masculin est assez répandu dans la bourgeoisie citadine. Les mœurs d’alors permettent en effet de mener facilement une vie sexuelle non matrimoniale: la prostitution, plutôt bien tolérée socialement, est soutenue par de bas salaires qui permettent difficilement aux ouvrières de vivre ; les écarts sociaux très marqués entre maîtres et domestiques facilitent les amours ancillaires ; enfin, l’adultère est favorisé par la suppression du divorce entre 1816 et 1884, conjointement au maintien du mariage de convenances. 

Le célibataire, et surtout le vieux garçon, devient une cible appréciée des écrivains comme des dessinateurs.

Daumier, « Monsieur Coquelet resté célibataire par égoïsme partage un frugal déjeuner avec Azor & Minette ». Lithographie publiée dans Le Charivari28 avril 1839 . (Paris, Maison de Balzac, inv. BAL02.183)
« Monsieur Coquelet éteignant sa lumière termine une journée qui, semblable à la veille et semblable au lendemain, retrace la peinture exacte de la vie de célibataire. » (Paris, Maison de Balzac, inv. BAL02.192)

Le vieux garçon est considéré comme un jouisseur égoïste lorsque son célibat résulte d’un choix volontaire. En revanche, ceux qui n’ont pu fonder une famille par manque d’argent, sont présentés comme des solitaires attachés à leurs petites habitudes, dont la vie affective se résume à l’entretien de chats, de serins,  ou de plantes en pots ! Quelques personnages comme ce « Monsieur Coquelet », caricaturé par Honoré Daumier, concilient égoïsme, mesquinerie et maniaquerie.

Gravure de Monnier pour la chanson de Béranger « Le vieux célibataire » (Paris, maison de Balzac, inv.BAL2012-1-5)

Le chansonnier Pierre Jean Béranger a connu sous la Restauration et la Monarchie de Juillet une popularité immense, et ses compositions à la fois vivantes et  poétiques, parfois libérales ou patriotiques, soutenues par des mélodies simples et variées, s’imposent aussi bien dans les campagnes que dans les goguettes ou les salons bourgeois. La chanson « Le vieux célibataire », illustrée ici par Henry Monnier, présente très explicitement la séduction d’une jeune servante par un maître célibataire. 

« Petite bonne, agaçante et jolie
D’un vieux garçon doit être le soutien
Jadis ton maître a fait maintes folies
Pour des minois moins friands que le tien »
[…]
Mais songez-y : je fais mon testament.
Docile enfin, livre sans résistance
À mes baisers ce sein qui m’a séduit ;
Allons Babet, un peu de complaisance,
Ah ! Tu te rends, tu cèdes à ma flamme !
Mais la nature, hélas ! trahit mon cœur
Ne pleure point ; va, tu seras ma femme,
Malgré mon âge et le public moqueur »

Victor Adam Un an de la vie d’un jeune homme, 1824
« Il faut faire une fin, je l’épouse ! ». (Paris, Maison de Balzac, inv. BAL98-19)
 

Plus que les charmes de sa future épouse, l’attrait exercé par  la fortune qu’apporte la mariée peut décider un jeune célibataire à se marier, si l’on en croit cette gravure de Victor Adam. La série Un an de la vie d’un jeune homme  présente les charmes du célibat (jeu, dandysme, séduction, amitiés) mais aussi ses contraintes (dettes, maladies vénériennes…). Le mariage avec une riche vieille dame met une fin à ces frasques et change la condition de notre jeune célibataire qui devient dès lors un homme « établi ».

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