Parmi les biens de la noblesse et du clergé confisqués durant la période révolutionnaire figurent les bibliothèques privées, provisoirement entreposées dans de vastes « dépôts littéraires » disséminés sur tout le territoire français. Le grand nombre de pièces ainsi rassemblées permit la création ou l’enrichissement de bibliothèques dans les grandes villes. Mais comme celles-ci n’étaient pas assez grandes ni suffisamment organisées pour conserver tous les ouvrages, beaucoup furent vendus à des prix très faibles. De nouveaux amateurs de livres anciens ou de qualité font alors leur apparition, contribuant peu à peu à forger la figure du bibliophile, véritable type social dans les années 1830.
Les plus avertis de ces bibliophiles ou « bibliomanes » comme on les appelait alors, ne s’intéressent pas seulement au livre en tant qu’objet. Attentifs à la fabrication des ouvrages (qu’il s’agisse de la reliure, de la typographie, de la calligraphie ou du papier), ils considèrent aussi bien la provenance, l’état de conservation que la rareté du texte manuscrit ou imprimé. Tel fut le cas de Charles Nodier, écrivain, bibliothécaire et amateur de livres rares, ou de Paul Lacroix, dit aussi le « bibliophile Jacob », promoteur de l’ancien français à une époque où l’on découvre le Moyen Age. Balzac connaissait bien ces deux bibliophiles et possédait lui-même de nombreux livres choisis qu’il faisait relier avec soin.
« Je vous renvoie votre facture […] avec les indications suivantes pour les reliures. Le signe X […] signifie qu’il faut une demi-reliure riche, et le signe O signifie une demi-reliure en veau ordinaire (ne jamais faire qu’ébarber) toutes les deux X et O en rouge, car je n’ai que cette couleur dans ma bibliothèque ».
Honoré de Balzac, Lettre à Hippolyte Souverain, 15 janvier 1850