Le café

Honoré Daumier (1808-1879). « L’Amateur de café ». Lithographie, 1841. Paris, Maison de Balzac.

«  Parmi les boissons, la plus flatteuse, la plus inspiratrice, le café, est digne de tout notre amour. Il éloigne le sommeil ou le rend agréable et léger, il ravive l’imagination, dispose à la gaieté, facilite la digestion, dissipe l’ivresse, ajoute à l’esprit de ceux qui en ont, en donne pour quelques instants à ceux à qui est dévolu le royaume des cieux, fortifie le cerveau, dissipe les vapeurs, et rend la mémoire plus sûre. » Horace Raisson, Code gourmand, 1827

C’est au XIXème siècle que le café s’introduit dans le quotidien des français. 

Selon Balzac, sa vertu tient à une action stimulante sur l’imagination, ainsi qu’à l’accroissement de la capacité de travail, ces deux points étant pour l’auteur les piliers de l’art. Balzac avait l’habitude de travailler la nuit, et le café lui évitait de sombrer dans le sommeil. 

Dans ce passage, l’écrivain ne cache pas son enthousiasme pour les effets quasi fantasmatiques du café: 

« Dès lors, tout s’agite, les idées s’ébranlent comme les bataillons de la grande armée sur le terrain d’une bataille et la bataille a lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop. L’artillerie de la logique accourt, avec son train et ses gargousses ; les traits d’esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier se couvre d’encre, car la lutte commence et finit par des torrents d’eau noire, comme la bataille par sa poudre noire. » 

Honoré de Balzac, Traité des excitants modernes, 1839

Dévoré par cette passion, Balzac admet abuser du café et se plaint d’en souffrir, par exemple dans cette lettre écrite à madame Hanska (23 janvier 1843) : « Le café que je prends en doses démesurées m’a rendu mes affreuses douleurs à l’estomac. » Dans son Traité des excitants modernes, court article très enlevé et marqué par l’humour, l’écrivain s’interroge sur les conséquences des drogues de l’époque, le thé, l’alcool, le tabac et bien sûr le café, tant sur la santé publique que sur la création artistique. La consommation de Balzac était loin d’être anecdotique : ses comptes attestent l’achat d’environ 80 kilos de café par an, soit 20 à 30 fois plus qu’un Parisien à la même époque. L’écriture de chaque page de La Comédie humaineaurait été arrosée d’environ 4 tasses de café ! 

Cafetière de Balzac (vue du dessus du côté avec les initiales H.B.). Paris, Maison de Balzac.

Six ans avant sa mort, il écrit à Mme Hanska ces paroles mélancoliques : « Détrompez-vous, chère, sur la cause de la maladie, elle est dans l’abus de café, des veilles et du travail. ». 

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