Les techniques de fabrication du livre connaissent de grands bouleversements au début du XIXe siècle. Suite à l’invention de Jean-Nicolas Robert en 1798, le papier n’est plus fabriqué « à la forme » dans des tamis de dimensions plus ou moins grandes (allant du format « grand Aigle » au format « petit Jésus »), mais par des machines capables de débiter du papier en continu. Les presses à bras Stanhope, qui permettent d’imprimer les feuilles en « un coup », puis les presses mécaniques, propulsent l’imprimerie dans l’ère industrielle. La technique de la gravure sur bois de bout, redécouverte par le graveur Thomas Bewick, permet d’imprimer dans le cours du texte des images finement dessinées : l’art des « vignettes » supplante alors le goût pour les traditionnelles « planches hors-texte » dans les publications illustrées qui envahissent les vitrines des libraires.
Ces innovations ont profondément modifié l’aspect du livre : l’ouvrage, dont la couverture est souvent illustrée afin de séduire les acheteurs, n’est plus constitué de « cahiers » cousus entre eux mais de cahiers directement rattachés au dos de l’ouvrage broché. Pour faciliter leur prise en main, les éditeurs choisissent de réduire le format des livres, tel l’éditeur Charpentier qui crée la collection des « chemins de fer » vendue dans les gares et constituée d’ouvrages pouvant être facilement emportés par le lecteur. Tous ces éléments favorisent l’avènement du livre à bon marché, dont le succès est soutenu par l’augmentation du nombre de lecteurs. Balzac, en tant qu’écrivain mais aussi en tant qu’ « homme de lettres de plomb » comme il aimait à se présenter (il fut un temps éditeur, imprimeur puis fondeur de caractères d’imprimerie) a bien connu ces multiples innovations. Il en a d’ailleurs fait le sujet de l’un de ses romans, les Illusions perdues.
« Les dévorantes presses mécaniques ont aujourd’hui si bien fait oublier ce mécanisme [des presses à bras], auquel nous devons, malgré ses imperfections, les beaux livres des Elzevier, des Plantin, des Alde et des Didot, qu’il est nécessaire de mentionner les vieux outils auxquels Jérôme-Nicolas Séchard portait une superstitieuse affection ».
Honoré de Balzac, Illusions perdues, Paris : Furne, Dubochet, Hetzel et Paulin, 1843
Balzac exerça la profession d’éditeur puis d’imprimeur et fondeur de caractères de 1826 à 1828. Il imprima ce catalogue afin de montrer à ses éventuels clients la variété des caractères d’imprimerie, décors et vignettes que son imprimerie pouvait réaliser. En effet, son matériel typographique était à la fois ancien (suite au rachat du fonds d’atelier de la fonderie Gillé, célèbre entreprise du XVIIIe siècle) et moderne (avec des vignettes spécialement créées pour son entreprise par des artistes tels que Henry Monnier ou Achille Devéria).
Cet ouvrage, illustré de nombreuses gravures sur bois de bout, connut un grand succès éditorial. Les illustrations, signées par les plus grands artistes du temps (Henry Monnier, Grandville, Gavarni, notamment), revêtent une grande importance et sont signalées à la table des matières.